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raphaël B.
29 juin 2015

[MAKING-OF] Mise en scène

Quand je parle cinéma, il y a forcément un moment dans la conversation où je radote à propos de la mise en scène. 

Et pour cause : vous avez beau avoir écrit un texte formidable, si vos acteurs récitent leurs dialogues d'une voix monocorde, en restant droits comme des piquets, ça ne marchera pas. Ce que le personnage fait et la façon dont il le fait sont porteurs de sens.

On pourrait définir la mise en scène comme la réponse à ces trois questions : "que font les personnages, comment le font-ils et pourquoi le font-ils ?". On pourrait aussi bien dire que c'est "l'art de faire évoluer les personnages" - évoluer au sens de "se mouvoir", "interagir avec son environnement". La mise en scène est la façon dont on rend les êtres de fiction vivants, incarnés ; la façon dont on suggère, sans passer par les dialogues, leur contexte, leurs personnalités, leurs enjeux, etc. 

En BD, c'est pareil.

Quand je mets en image les scénarios de Zidrou, ma préoccupation principale n'est pas tant de faire des beaux dessins que d'enrichir le script initial par des choix judicieux de mise en scène. 

Voici un exemple caractéristique.

Je dois dessiner une scène de deux pages selon le script suivant : l'action se passe en Afrique, à la terrasse d'un café. Deux personnages (un français et un chinois) parlent business. Le français voit passer une femme africaine et une fillette qu'il connaît. Il est intrigué par leur présence, soupçonne que quelque chose de louche se trame (c'est le cas), et décide de prévenir la mère de la fillette.

Voici ce que j'en ai fait :

La scène se passe en Afrique, dans un chantier franco-chinois. Deux personnages (un français en tenue "ingénieur", un chinois en costume) inspectent le chantier. Le français regarde à travers la mire d'un tachéomètre. Il voit passer une femme africaine et une fillette qu'il connaît. Il est intrigué par leur présence, soupçonne que quelque chose de louche se trame (c'est le cas), et décide de prévenir la mère de la fillette.

Regardons ce que la mise en scène a créé :

- chantier : on associe souvent la zone environnant un chantier à un lieu incertain, à l'écart, où des choses illégales ou sordides peuvent se faire (ce qui sera hélas le cas dans le récit)

- chantier franco-chinois : suggestion des nouvelles coopérations internationales sur le territoire africain - dont les locaux sont par ailleurs absents, en tout cas dans les hauts postes.

- chinois en costume : rapport de hiérarchie implicite entre lui et le français. Suggestion de la domination financière chinoise, de la Chinafrique qui remplace peu à peu la Françafrique même si le savoir-faire du bétonneur français a encore sa place.

- jeu de scène autour du tachéomètre : interaction crédible avec le décor...

- ...mais aussi et surtout double sens induit par la mire : les femmes sont vues comme à travers une cible, cela suggère une menace (qui pèse effectivement sur la petite fille) 

 

Ca ne prétend pas réinventer l'eau tiède, mais il y a un petit plus qui enrichira le récit.

 

Voici ce que ça donne en planches :

P72-NB

P73-NB

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Commentaires
P
Bonjour,<br /> <br /> Si j'ose me permettre, les chinois parlent peu en marchant, surtout pour des relations pro, et surtout, par tradition confucéenne, n'auraient pas une attitude aussi triomphante, main à la ceinture et pied sur une brique. <br /> <br /> Ou alors, c'est l'indice que c'est un américano-chinois...
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